Réalité quotidienne. Réalité monstrueuse.
Hier, mardi 30 avril 2013, 17h50, l'asso dans laquelle j'ai passé l'après-midi va fermer. Nous commençons à ranger, lorsqu'un homme arrive, ne nous adressant pas la parole. Il semble perdu, tente de prendre ce qu'il lui faut pour se servir un café. Je m'approche de lui et lui verse le café, car ses mains tremblent tellement qu'il va se renverser le liquide brûlant sur les doigts. Il s'assoit, je m'assois à côté de lui et lui dis : "qu'est-ce qu'il se passe ? que t'est-il arrivé ?". J'ai du mal à comprendre, car il chuchotte en pleurant. Il m'explique qu'il a honte, qu'il ne s'est jamais vu dans un état pareil : ses vêtements sont sales, son corps aussi, il a des plaies sur le visage et sur les doigts. Il dort depuis plusieurs nuits dehors. Il m'explique qu'il est fatigué, à bout, qu'il ne prend plus son "traitement" (? le terme est vague et ambigü), que sa petite fille est morte il y a trois jours (il est fort probable que ce soit faux, mais laissons-lui le bénéfice du doute). Sa demande : passer une nuit au chaud. La solution : aucune. En effet, voici la réalité...
La réalité, c'est que pour avoir une place quelque part, quel que soit l'endroit, quelle que soit la structure, quelle que soit la durée, il faut contacter le 115. Le 115 regroupe tous les appels et se charge d'envoyer les gens à tel ou tel endroit. Sauf que ... sur Toulouse, il y a 70 lits. Oui, ouvrez bien vos yeux ! 70 lits. Vous avez d'ores et déjà compris ce que cela signifie. Les personnes du 115 reçoivent tous les jours des appels de personnes comme ce monsieur, ou des mères de famille avec leurs enfants, des femmes, des jeunes, des malades, et tous les jours, ils doivent leur dire "non". Ce ne sont pas ces gens qui sont monstrueux, bien évidemment, c'est la réalité. Alors ces mères dormiront dehors avec leurs enfants, ou dans une caravane, ou à l'hôtel. D'autres se battront pour aller aux urgences, ou en garde à vue dormir au chaud.
J'ai laissé repartir cet homme vers 18h30. Je ne peux pas l'accueillir chez moi, je suis impuissante. En rentrant chez moi, j'étais au chaud, j'ai mangé à ma faim, j'ai pu me détendre. Je crois que j'ai rarement autant pleuré pour un inconnu. J'ai pleuré pour lui, j'ai pleuré pour tous les autres, j'ai pleuré pour cette injustice, j'ai pleuré pour mon impuissance.
Je ne cherche pas à faire larmoyer les lecteurs de ce message, j'avais simplement besoin de l'exprimer ici. Merci.
Dine